Do we have a deal ? ♣ ft. Alaric

Février 2018 - après la Saint-Valentin

T'as plus de came, t'as pas les moyens d'en acheter, et tu sens bien que les clopes et l'alcool vont vite plus suffire. T'as tenu le coup quelques jours avec les souvenirs de ta nuit torride avec Jesse Klein - bordel t'as encore du mal à y croire - mais ça fonctionne plus. Ca suffit plus à contrebalancer les rêves de Loups qui te hantent, à atténuer la douleur dans tes membres, ton corps entier, même, au réveil. Et t'as les doigts qui tremblent sur ta clope, en plein milieu de Trafalgar square où tu t'es posé pour prendre l'air, sortir de ton quotidien morose et... réfléchir. Comme si ça allait te donner une illumination. Mais rien n'y fait, t'as fait le tour de la question des centaines de fois déjà. T'as pas encore monté ta boîte réellement, et t'es pas programmeur ni commercial, donc ça risque pas. T'as rien trouvé en freelance pour faire rentrer un peu d'argent sur ton compte, et c'est pas très surprenant vu ta dégaine et ton incapacité à te vendre. Tu sais que t'es bon dans ce que tu fais, c'est peut-être un des rares trucs sur lesquels tu puisses être confiant, mais c'est autre chose que de l'affirmer à quelqu'un d'autre. Et pour l'instant, c'est pas les deux, trois petits contrats purement alimentaire - et pour des enseignes alimentaires, d'ailleurs - qui vont te permettre de voir bien loin. Tu pourrais taper dans l'argent laissé par Seanmháthair, mais tu veux pas - encore - toucher dans le capital d'Erin Games. Pourtant t'es conscient qu'à ce rythme, tu vas plus trop avoir d'autre choix, et t'as encore plus le sentiment de tout foirer quand t'y penses.

Alors t'es là, à tirer nerveusement sur ta clope en train de faire pour la millième fois peut-être, le tour de tes options. Tu pourrais aussi te séparer de ton matos, et parfois t'y penses, mais ça te fait presque mal physiquement l'idée de te séparer de ta collection. Et à part vendre ton corps - mais tu vois pas comment tu pourrais réussir à faire ça, d'autant que t'es persuadé que les marques sur tes bras rebuteraient les clients, quand bien même ça a pas empêché un certain mannequin de passer la nuit dans tes bras - ou dealer ce que tu prends d'ordinaire, t'as beau chercher, tu trouves pas d'idée miracle. Tes pensées s'égarent sur le modèle qu'a jeté son dévolu sur toi l'autre soir, et t'arrives toujours pas à comprendre vraiment pourquoi. Pourquoi toi, ce soir-là ? Des types qu'il aurait pu aborder dans la soirée, il y en avait sûrement des tas, alors pourquoi toi ? T'en reviens définitivement pas d'avoir pu lui plaire, mais un sourire flou étire tes lèvres. T'as pas tant que ça de bons souvenirs ces derniers temps, celui-là tu le chéris particulièrement. D'autant plus que t'as gardé le numéro qu'il t'as laissé de sorte que tu puisses prendre contact si jamais t'avais décidé de partir l'autre soir. T'as pas encore osé le rappeler, tu t'étais dit que juste avant la Saint-Valentin, ça aurait donné l'impression que t'étais un amoureux transi et c'est pas le cas. T'as passé un moment délicieux, mais c'est tout ce qu'il y a à en garder. Vous êtes pas du même monde, tu le sais bien.

Puis tu cherches même pas à savoir si t'aimerais qu'il en soit autrement, dans ta tête, c'est de toute façon pas concevable. T'es qu'un pauvre junkie dérangé, tu comprends même pas bien ce qu'il se passe dans ta tête, alors partager ça avec quelqu'un ? Tu sais bien que c'est pas possible. T'espères encore qu'un jour t'arriveras à t'en sortir, mais t'as toujours pas réussi à entreprendre la démarche de te faire désintoxiquer, alors c'est pas demain la veille. Et t'es en train de penser que tu ferais vraiment n'importe quoi pour gagner un peu d'argent en écrasant ta clope sur la semelle de ta pompe avant d'en remettre le mégot dans ton paquet, quand tu croises le regard de ce type, quelques secondes avant de t'en détourner. Tu sais pas pourquoi t'as l'impression qu'il te fixe, mais tu dois te faire des idées, il y a aucune raison pour qu'on s'intéresse à toi après tout...