La fête est finie

La fête est finie

Abigaël s’est faite discrète au manoir aujourd’hui, et quand Abigaël se fait discrète, c’est que généralement elle a quelque chose en tête. Alors forcément je garde un œil sur elle, ou peut-être que je le fais uniquement parce que c’est plus simple de me focaliser sur ma sœur plutôt que sur les multitudes de problèmes qui régentent ma vie ces derniers temps. Tout laisser de côté le temps d’une soirée me paraît être un bon programme, aucune histoire de clan et de bras droit, ni de vengeance entre Rice et Johnson ce qui vaut aussi bien pour Hannah et moi que pour Hayden et Anya. Rien, c’est juste Abigaël ce soir. Je n’ai pas assez accordé d’attention à ma petite sœur malgré la surprise de son retour et il est temps de remédier à cela, même si ce ne sera pas pour faire son bonheur.

L’avantage d’avoir des centaines d’Oisillons, c’est qu’il est difficile de savoir qui travaille pour moi et c’est très utile, surtout quand je dois en envoyer un surveiller Abigaël sans qu’elle ne s’en rende compte et m’informer s’il y a quoi que ce soit de louche qui se produit, et avec Abigaël la définition du mot louche devient beaucoup plus vaste. C’est dans les alentours d’une heure du matin que je reçois un message m’avertissant de l’endroit et des fréquentations étranges que pourrait avoir Abigaël qui vient de s’enfermer dans une pièce à laquelle mon Oisillon n’a pas accès. Il ne m’en faut pas plus pour attraper une veste, juste pour la forme, et quitter le manoir afin de rejoindre les lieux. Peu de temps après, j’arrive à l’entrée de cette grande villa où m’attend mon Oisillon. Si ce dernier m’a parlé d’une fête, je m’attendais à la retrouver dans un bar privilégié ou une boite de luxe, pas dans une villa. Un détail que ce dernier n’aurait jamais dû omettre. C’est un regard assez sombre que je repose sur lui en même temps que ma main vient agripper son épaule.

- Tu viens de brûler ton As, Idris. Attention à toi, tu n’as plus le droit à l’erreur à présent.

- Mais... Monsieur Rice...

- Tu peux disposer. En silence.

Nerveux, il acquiesce et quitte les lieux tandis que mon regard se pose sur l’intérieur de cette villa où une fête bat son plein. J’entre à l’intérieur et dévisage toutes ces personnes, humains et vampires se mêlent dans une soirée trop dépravée à mon goût pour être digne des Rice. J’hésite à commencer par détruire la porte et attraper Abigaël par la main pour la ramener à la maison, telle une enfant, mais pour être honnête je ne tiens pas à l’apercevoir dans quelque chose d’un peu trop entamé alors… Je retire ma veste et la dépose sur le dos d’une chaise, puis c’est le cœur d’une humaine que j’arrache à main nue, sous les hurlements affolés d’autres humains qui se croyaient dans un conte fabuleux.

- Je cherche une certaine femme blonde, indéniablement belle, rudement prétentieuse et incapable de se tenir en société. D’après mes informateurs elle se trouve dans cette villa.

- Mec il ne me semble pas connaître ton visage, alors tu n’as rien à faire ici, dégage avant qu’on ne te dégage.

Mon regard se tourne sur le vampire qui a eu la charmante idée de venir jouer les preux chevaliers, ce qui est d’un ridicule sans nom. Avant de se porter volontaire, mieux savoir à qui on a à faire. En moins d’une seconde je me retrouve cette fois face au vampire et attrape son visage entre mes deux mains pour tourner sa tête suffisamment fort pour que les os, les ligaments et la peau craquent, laissant sa tête rouler sur le sol. Le corps suit et tombe au sol à mes pieds. J’attrape une serviette blanche sur la table à buffet et essuie le sang qui a giclé sur mon visage puis me tourne vers le reste de l’assemblée.

- Il me semble que je n’ai pas été assez précis, c’est une certaine Rice que je recherche, Abigaël Rice, ma très chère sœur.

Et tout le monde retient son souffle à l’entente de ce nom, tous les vampires en tous cas, notre nom est assez réputé auprès de notre espèce, d’autant plus dans le quartier nord où tous les vampires savent à quel clan ils doivent prêter allégeance pour survivre, ou au moins ne pas provoquer. Je souris face à cette foule qui m’observe avec ces yeux apeurés et termine d’essuyer le sang sur mes doigts avant de laisser retomber la serviette sur le cadavre. Puis je reprends la parole en levant davantage le ton pour être certain qu’Abigaël m’entende, quoi qu’elle fasse derrière cette porte.

- Abigaël ! La fête est terminée, ne me force pas à venir te chercher car tu sais bien que je le ferais.

L’idée n’est pas tant d’humilier ma sœur mais de lui faire la leçon, lui rappeler que c’est elle après tout qui m’a tant recherché et finalement trouvé, elle devait bien se douter qu’il n’y aurait pas que des avantages à nos retrouvailles. J’ai toujours été le premier à supporter Abigaël, l’aider à filer en douce pour qu’elle puisse s’amuser, mais il y a une limite à l’amusement de ma sœur et je ne laisserai pas tous ces hommes profiter d’elle. Autant dire que tous ceux qui se trouvent avec elle derrière cette porte y passeront, alors mieux vaut pour elle qu’il n’y ait pas plus d’une personne.

La fête n'est jamais finie

Abigaël a toujours su se faire une place rapidement, où qu'elle aille. Ça ne fait pas bien longtemps qu'elle est à Londres mais, déjà, elle a su à qui sourire de manière charmante pour se faire doucement un petit carnet d'adresse. Rien de bien fantastique, seulement quelques noms et numéros pour savoir où se passe certaines fêtes. Se faire une place dans les soirées incontournables de quelques élus ne se fait pas en un claquement de doigts, il faut savoir se montrer à des fêtes un peu plus bad game pour monter dans les hautes sphères. Quand elle a reçu un message, un peu plus tôt dans la soirée, pour lui donner une adresse et une heure d'arrivée, c'est un sourire qui s'est dessiné sur son visage. La belle n'a pas fait de bruit, pas brisé de verre dans une dispute quelconque. Elle n'a même pas lancé ces sourires équivoques à quelques infants d'Ethan, juste pour le plaisir de les voir déglutir avant de fuir pour ne céder à aucune tentation. Personne n'a envie de s'attirer les foudres d'Ethan, ça le fait rire. Abigaël, c'est celle qui aime faire ce qu'il ne faut pas. Un jour, elle s'attardera sur un des infants d'Ethan mais pas aujourd'hui.

Abigaël n'a même pas été voir Hayden pour savoir où il en était avec le corps de Jack. Peut-être a-t-il déjà fait livrer ses petits cadeaux. Elle avait été tellement heureuse quand il lui avait proposé de l'aider dans une affaire, quand elle s'était retrouvée à torturer un loup quelconque face à une autre louve. Dommage que cela se soit fait par téléphone interposé, Abi aurait tellement apprécié entendre le rythme cardiaque de cette louve pitoyable qui a supplié Hayden d'arrêter tout ça avant de donner l'endroit où Jack pouvait se trouver. Les loups. Des déchets de l'humanité, incapables de prendre les bonnes décisions en livrant un alpha pour sauver un autre loup sans importance. Abi espère que son plus vieux frère a pensé à envoyer un petit message particulier à cette louve, pour lui rappeler que c'est elle qui est responsable de la mort de Jack. Abigaël n'a pas fait grand-chose au final mais, elle est vraiment contente d'avoir pu apporter sa petite pierre à l'édifice d'Hayden.

La nuit tombe et Abigaël se prépare en espérant que la soirée qui se profile sera un peu à la hauteur de ses espérances. Ce ne sera pas la soirée du siècle, elle le sait très bien. Elle demande seulement à faire d'autres bonnes rencontres pour égayer les soirs à venir. Elle n'aime pas rester enfermée à ne rien faire, Abigaël à l’éternité devant elle et se doit d'en profiter au maximum. « Entre » qu'elle dit doucement en sentant la présence d'un des infants d'Ethan derrière la porte de sa chambre. Elle sent une hésitation et ça ne fait qu’agrandir son sourire qu'elle efface avant de reprendre. « J'ai besoin d'aide, s'il te plaît. » Hésitant, le vampire dont elle n'a jamais su retenir le prénom, pousse la porte pour rentrer. Il se fige en voyant Abigaël vêtue d'un jean qui semble être fait pour elle mais sans le moindre haut sur la poitrine. Ce qu'elle peut aimer les réactions de ce genre. « Je devrais... » Il désigne la porte en cherchant une excuse à fournir pour sortir d'ici. Il ne faudrait pas qu'Ethan arrive à ce moment et croit des choses. « Ne stresse pas, j'ai vraiment besoin d'aide. » Elle attrape un bustier qu'elle enroule autour d'elle avant de tourner le dos à l'infant. « Je pourrais pas nouer ce haut toute seule. ». Il serre, noue, serre encore. Abigaël pourrait presque le sentir trembler s'il en était encore capable. Difficile de retenir un sourire amusé face à la situation. Il termine et elle se tourne pour lui faire face. « Merci beaucoup. » C'est un baiser qu'elle plaque sur les lèvres du vampire avant de lui tapoter l'épaule et de sortir de la chambre.

Perchée sur des talons, une veste sur les épaules, Abigaël scrute la villa devant elle. Tout le monde est déjà arrivé. Tant mieux, elle aime se faire attendre un peu. Ce n'est pas un retard, c'est un timing parfait. Ethan ne serait probablement pas d'accord avec cela. Humains et vampires lancent des regards dans sa direction quand elle s'avance, d'un pas assuré, dans le grand salon de la villa. On vient prendre sa veste qu'elle donne sans même un regard pour la personne qui vient de se dévouer. Bustier, jean serré, talons. Abiagël a cette tendance à mélanger un style ancien et récent. On faisait des choses bien à l'époque et puis, ça à l'avantage de la démarquer des autres. C'est un verre qu'elle va chercher au bar qui a été installé entre le salon et la cuisine et la soirée peut commencer. Abigaël parle avec beaucoup de gens, dans le salon, dans le jardin, près de la piscine, dans des couloirs. Elle parle, rigole quand il le faut, touche des bras et des épaules l'air de rien quand la situation s'y prête. Elle fait la fille impressionnée quand on lui raconte des histoires qu'elle sait exagérées, fait la gênée quand on la complimente en replaçant stratégiquement une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle flatte des égos, se donne des airs crédules.

Il est aux alentours d'une heure du matin quand, sans en donner l'impression, elle jette son dévolu sur un vampire présent. Celui qui se démarque un peu des autres. Rien de vraiment exceptionnel mais suffisamment intéressant pour occuper une petite partie de sa soirée. Elle bat des cils, sourit... ça se termine par des embrassades avant de s'enfermer dans une chambre. Ça se plaque contre un mur, les mains se font baladeuses, avant de repartir contre un autre mur. Le vampire s'arrête. « Tu as entendu ? » Elle l'embrasse, on s'en fiche de ce qui se passe à côté. Abigaël n'apprécie pas trop qu'il puisse se concentrer sur autre chose que ce qu'il se passe dans cette pièce. Des cris se font entendre et il s'arrête à nouveau. « Il y a un problème. » Abigaël soupire le laisse s'éloigner. « Effectivement, il y a un problème. » c'est sa main qu'elle enfonce dans la cage thoracique du vampire dont le dernier regard reflète sa surprise et son incompréhension... Avant de s’écrouler définitivement mort sur le sol. « Et bien sûr, il n'y a même pas un mouchoir qui traîne dans cette chambre ! » Tout est fait pour la contrarier. C'est sur les draps du lit qu'elle essuie sa main pendant que, de l'autre côté de la porte, Ethan se met à l'appeler.

Abigaël enjambe, sans aucune émotion, le cadavre de celui qui n'aurait jamais dû avoir un autre intérêt que celui du corps de la vampire. C'est la porte qu'elle ouvre d'une main alors que l'autre est en train de réajuster sa coiffure. « Ethan. » Le ton est encore calme quand elle voit le corps d'une humaine sans cœur au sol et celui d'un vampire sans tête. Personne n'ose bouger dans la pièce, comme figés en se demandant ce qui va bien pouvoir leur arriver. « Si tu avais envie de t'amuser, tu aurais pu me le dire. Je t'aurais fourni une invitation. » Oui, tuer des gens ça peut aussi être une forme d'amusement. Elle laisse ses bras retomber le long de son corps, une fois la coiffure remise en place, et affiche un large sourire à son frère. « Tu ne trouves plus ton compte avec ta sorcière, tu as enfin compris que tu pouvais avoir mieux à faire ? » Oui, les rumeurs vont vites au manoir. « Oh, attends... » Elle fait mine d'être surprise en comprenant quelque chose. « En fait, c'est elle qui ne te trouve pas à la hauteur et qui t'as virer. Je ne vois que cette explication pour venir gâcher ma soirée par frustration. » Toujours pas de cris mais c'est remplacé par de la provocation. Il veut jouer d'humiliation en venant la chercher comme une enfant. Alors, elle va jouer aussi.

La fête est finie

Me concentrer sur l’éducation d’Abigaël est plus simple que de me concentrer sur les centaines d’autres problèmes qu’il y a à gérer. Le temps d’un soir j’ai besoin d’un autre type de distraction et tuer les prétendants de ma sœur est une activité que je n’ai plus eu l’occasion de pratiquer depuis de nombreuses années, alors c’est l’occasion de rattraper le temps perdu. Il n’y a pas de raison que ce soit juste Hayden qui profite des bons côtés de l’éducation de notre sœur et j’ai besoin de me défouler sur quelques imbéciles. A peine arrivé sur les lieux qu’on peut déjà compter deux cadavres à mon actif, un vampire, une humaine. Dois-je m’arrêter en si bon chemin ? Ce beau petit monde ne manquerait à personne j’en suis sûr, mais être dans le nord signifie aussi devoir respecter les règles d’Alex et ne pas trop attirer l’attention sur le clan en fait partie alors... Je prends sur moi pour conserver mon sang froid.

J’attends qu’Abigaël daigne se montrer à moi, sachant parfaitement derrière quelle porte est-ce qu’elle se trouve. Le regard rivé dessus, elle finit par s’ouvrir pour laisser ressortir Abigaël. La bonne nouvelle étant qu’elle est au moins vêtue, la mauvaise étant sa manière de réajuster ses cheveux qui prouve qu’elle ne se contentait pas de discuter affaire derrière cette porte. Je penche un peu la tête sur le côté pour voir le cadavre qui gît derrière elle. Dommage que je n’ai pas pu m’en occuper moi-même, même si c’est probablement mieux pour cet homme. Je me redresse au moment où elle prend la parole, affirme qu’elle aurait pu m’envoyer une invitation si je désirais m’amuser à cette soirée.

- Je préfère l’effet de surprise.

Et puis franchement, s’ils avaient su que deux Rice étaient invités, le frère et la sœur, jamais personne ne se serait enfermé dans une pièce avec Abigaël et elle le sait. Notre réputation n’est plus à refaire, aucun ne prendra le risque de provoquer ouvertement un Rice en séduisant la sœur sous le nez des frères. Alors non, Abigaël ne m’aurait pas envoyé d’invitation. Elle approche à peine et reprend, provoque. Attention à toi petite sœur, tu t’orientes là vers un terrain miné. Je reste stoïque malgré les attaques d’Abigaël. Tout le monde nous voit, tout le monde nous écoute et je ne suis pas certain de garder parole auprès d’Alex. Il y a aura probablement un massacre ce soir mais je sais nettoyer derrière moi et c’est ce qui compte, que personne ne remonte ces meurtres au clan du roi.

- Serais-tu jalouse que j’accorde plus d’attention à une sorcière plutôt qu’à toi ? Tu ne peux pas toujours être le centre de l’attention petite sœur, mais sois contente, ce soir tu l’es.

Abigaël et moi avons partagé peu de temps ensemble malgré son retour et je suis presque convaincu qu’elle m’en veut pour cela, peut-être pour d’autres choses également, comme d’avoir mis Hayden dans la confidence de ma transformation et pas elle par exemple. Jusqu’où s’étend ta rancœur petite sœur ? Car j’ai bien vu que tu cherches davantage à attirer mon attention que celle d’Hayden, que tu cherches à faire passer un message. Quand décideras-tu de laisser mes Infants tranquille ? Tu sais bien que je n’ai pas envie de les tuer, mais tu sais aussi que je le ferais s’ils finissent par succomber à tes appels. Tu es joueuse Abigaël mais c’est un trait de famille, alors n’oublie pas que je peux l’être aussi.

- Je dois dire que je suis déçu, je m’attendais à davantage de luxe de ta part. Depuis quand te contentes-tu de soirées dans la villa d’un prétendu riche du coin ?

Car si on analyse bien les lieux, l’endroit n’a rien de si extravagant et manque cruellement en décoration. Je m’approche d’une toile qui trône au-dessus de la cheminée du salon. Les invités se poussent sous mon passage pour me laisser le champ libre, toujours sans oser rien dire. Je me plante devant cette toile signée Picasso et affiche un sourire.

- Picasso, classique pour épater la galerie, tout le monde connaît, mais un véritable amateur d’art viserait d’autres peintes tels que Gustave Housez ou encore Giorgione. Des peintres pourtant classiques de leur temps mais bien moins connus du grand public malgré une pâte intéressante. D’autant que cette toile est fausse, comme probablement toutes les autres qui se trouvent en ces lieux. A partir du moment où on accepte d’afficher aux yeux de tous une toile qui est fausse, alors on ne perd pas son temps à dépenser son argent dans d’autres toiles qui seraient les originales.

Tout cela est très décevant, surtout pour Abigaël. Je lâche cette aberration des yeux et me tourne vers ma sœur qui se tient debout de l’autre côté de la foule. C’est comme si nous étions dans un show avec un public attentif autour de nous pour nous observer et compter les points. J’aurais pu trouver cela amusant, c’était le cas à l’époque mais nous avons tous changé Abigaël, nous avons grandi.

- Essaie de m’épater plutôt que de me décevoir Abigaël, à ce moment-là je te laisserais tranquille.

Oui je suis dur dans mes mots, dur dans mon ton, mais c’est après tout ma sœur qui a lancé les hostilités en terme de provocation alors je lui prouve seulement qu’elle n’est pas la seule à savoir piquer.

La fête n'est jamais finie

Les surprises, Abigaël les adore. C'est même au-delà de ça. Elle aime les intentions de toutes sortes, encore plus quand on vient se jeter à ses pieds pour qu'elle les accepte. Abi aime être le centre de l'attention des gens qui l'entourent et de ceux qu'elle peut croiser. C'est une princesse et comme toutes les princesses qui se respectent, Abi se doit d'être couverte de cadeaux. Les surprises d'Ethan, en revanche, elle ne les aime pas. Alors, elle ne cache pas son soupire inutile quand il dit préférer l'effet de surprise. De toute façon, il n'y en a que pour le clan, ses plans, cette sorcière qui ne sert à rien, et ces choses dont elle n'est pas au courant avec Hayden. Depuis qu'elle est au manoir, Abigaël n'a pas l'impression d'être reléguée au second plan, mais plutôt au troisième ou au quatrième. Elle pensait pourtant que ça ferait plaisir à Ethan de la savoir en vie et présente mais non, il a toujours mieux à faire. C'est peut-être pour cette raison qu'il n'a même pas cherché à savoir si elle était toujours en vie. Quoiqu'il en soit, Abigaël avait eu besoin de prendre l'air, de sentir ces regards braqués sur elle. Elle avait envie d'être celle qu'on ne pouvait pas louper à cette soirée mais, encore une fois, il fallait qu'Ethan mette son grain de sel pour tout gâcher.

Bien sûr qu'elle provoque, après tout c'est une façon d'avoir son attention. Et puis, c'est son rôle en tant que petite sœur d'être la chieuse de service. Mais elle n'est pas la seule à partir sur le terrain de la provocation. Ethan parle d'une prétendue jalousie qui entraîne la tête d'Abi à se secouer de manière blasée. N'importe quoi, elle ne peut pas être jalouse d'une sorcière ! « Ce n'est pas de la jalousie cher frère. Je suis juste en train de regarder et d'attendre ce moment où tu n'auras plus aucun crédit auprès des autres sorcières, puisque tu es capable d'en épargner une. » Le grand Ethan Rice, craint rien qu'à l'évocation de son nom qui ne peut pas tuer une simple sorcière. Elle sourit la petite sœur en sous-entendant que, quand cela se saura, Ethan perdra cette notoriété construite à base de massacre et de corps évoquant des œuvres d'arts. Elle sait aussi qu'elle condamne toutes les personnes qui se trouvent ici mais, ce n'est pas important. Ils ne sont pas importants. C'est lui qui l'est et si attirer son attention ça veut dire l'énerver alors, Abigaël prend le risque. Ou peut-être qu'elle cherche à lui faire mal, à taper là où ça ne fait pas plaisir par pure vengeance. Elle aurait dû être au courant. Il n'aurait jamais dû la laisser souffrir comme elle a souffert en le voyant mourir sous ses yeux. Sauf qu'elle ne devait pas en valoir la peine, qu'elle ne la vaut toujours pas. Tout est déception. Cette soirée n'est pas assez luxueuse, elle se contente de peu, … ça l'agace. La mâchoire se serre un peu et elle retient une envie de tout casser.

Une haie d'honneur se forme quand Ethan décide de faire une démonstration du peu de moyen de cet endroit. Elle sait déjà qu'elle va devoir écouter tout un discours sur le fait qu'on n'affiche pas un Picasso, encore moins un faux, quand on est un vrai amateur d'art. Du coup elle écoute quand même mais d'une oreille un peu distraite. Il termine et se tourne à nouveau vers elle alors qu'ils sont comme dans un couloir humain. Et encore une fois, son frère lui parle de déception. De celle qu'elle est. Pas étonnant qu'elle puisse penser qu'elle l'était déjà quand ils étaient humain. Ou qu'elle commençait déjà à l'être, sinon pour quelle raison il aurait parlé de cette pendaison qui le ferait revivre sous une autre forme à Hayden et pas à elle ? Elle rêve Abigaël... Elle rêve de quelques nuques qui se brisent sous ses mains seulement pour exprimer sa frustration et sa colère. Au lieu de mettre cette envie à exécution, Abigaël inspire un air dont elle n'a pas besoin pour se contrôler. Hors de question de lui donner la moindre satisfaction, c'est lui qui vient de gâcher sa soirée, c'est lui qui est en tort. « Je me dis que quand tu seras suffisamment déçu, cela sera suffisant pour que tu laisses tomber. » Ce n'est pas ce qu'elle veut. Mais on s'en fiche de ce qui est dit, le but n'est pas de faire plaisir à l'autre apparemment. Et qu'on ne vienne pas dire que c'est elle qui a lancé les hostilités en le provocant parce que c'est lui, et lui seul, qui a commencé en débarquant ici. « Tu devrais pourtant avoir bien mieux à faire que de venir ici. » Entre Hayden, Alex, Hannah, ses infants. Il a forcément mieux à faire, non ? « J'ai pris un grand soin à choisir cet endroit pourtant. Exprès en me disant que jamais tu ne mettrais les pieds dans un tel lieu. » Lui dire qu'elle ne voulait pas le voir venir, qu'elle a fait en sorte d'éviter que ça arrive. C'est une façon comme une autre de justifier le choix de cette maison et de cette soirée. « Mais tu as raison sur un point Ethan. Je suis une déception pour moi aussi parce que, le plus intelligent aurait encore été de ne pas chercher à te voir en espérant que tu aies évolué. J'ai passé l'âge d'avoir un chaperon concernant mes choix de partenaires. » Dans les faits elle ne sait pas ce qu'elle préfère réellement : qu'il arrête de la prendre pour une enfant en faisant disparaître toutes les personnes qui l'approchent d'un peu trop prêt. Ou qu'il continue, comme si ça prouvait qu'il s'inquiétait pour elle.

La fête est finie

Abigaël et moi n’avons pas réellement eu l’occasion de passer du temps ensemble depuis nos retrouvailles et je sais qu’elle doit m’en vouloir pour cela, après tout c’est moi qui suis le moins disponible d’entre nous, mais elle devrait donc s’estimer heureuse que ce soir je lui consacre ma nuit. Nous n’avons pas encore commis de premier massacre ensemble petite sœur, c’est peut-être l’occasion de commencer. Sauf que pour l’heure notre animosité n’est pas dirigée vers ces humains et vampires qui se contentent de regarder le spectacle sans sourciller, sans chercher à nous interrompre, ils savent bien qu’ils ont plutôt intérêt à se tenir sagement jusqu’à ce qu’on reporte notre attention sur eux et décide de ce qu’on compte en faire. Pas de fuite pour eux ce soir, Abigaël vient de les condamner en m’insultant de la sorte avec de telles paroles. Il ne faudrait pas qu’une rumeur circule comme quoi Ethan Rice se fait ridiculiser par sa petite sœur. Non, hors de question qu’elle me discrédite.

- Attention à tes paroles petite sœur, porter le nom Rice ne te donne pas tous les droits pour autant.

Et m’insulter publiquement ne risque pas de faire partie de tes droits un jour, alors il va falloir rattraper tes erreurs Abigaël et pour l’instant tu fais tout pour attirer ma colère contre toi. A défaut de ne pas grandir, ne peux-tu pas au moins te contenter d’être la petite sœur d’autrefois ? Non, il faut que tu sois pire, plus têtue, plus tenace et surtout plus insultante. Je suis un homme de patience Abigaël mais tu joues beaucoup avec mes nerfs, tu ne t’attaques pas à la bonne personne. Depuis quand suis-je ton ennemi au juste ? Moi qui t’ai toujours protégé de tous les dangers lorsque nous étions humains, c’est ainsi que tu me le rends ? Tu prétends ne pas être jalouse de cette sorcière à qui je consacre du temps mais tu te plains pourtant que je ne t’accorde pas assez de temps, cesse donc d’être si contradictoire ma chère sœur. Je ne peux m’empêcher de laisser échapper un rire emplis d’ironie face à ses dernières paroles.

- Vraiment ? Parce que jusque-là tu n’es pas très douée pour te trouver un partenaire digne de toi. Est-ce donc tout ce que vaut Abigaël Rice ? Une pauvre villa, de fausses toiles, des invités qui n’ont pas le moindre intérêt et un amant pas même capable d’avoir une mort honorable. Tu te contentes de bien peu ma sœur, s’en est déplorable.

Je sais qu’Abigaël a toujours eu des difficultés avec l’aristocratie, là où Hayden et moi avions trouvé notre nouveau terrain de jeu, Abigaël préférait être cette fille de la nuit, celle qui n’avait nul besoin de jouer un rôle pour être acceptée par la société. Je n’ai jamais eu de problème avec cet aspect-là de sa vie autrefois mais j’ai davantage de mal aujourd’hui à la voir se contenter de la vermine du monde lorsqu’elle peut avoir beaucoup mieux, lorsqu’elle peut tout avoir. Je marche vers Abigaël, réduis la distance qu’il y a entre nous jusqu’à me trouver face à elle.

- J’ai de meilleurs projets pour toi petite sœur, mais si tu préfères te contenter de cela... Alors continue de te sous-estimer.

Si Abigaël préfère être une vampire parmi tant d’autres plutôt qu’une vampire de renommée alors grand bien lui fasse, ce n’est pas comme si je pouvais la forcer à avoir des envies de grandeur. Le nom Rice lui ouvrira les portes de toute façon mais c’est seulement parce qu’elle le partage avec nous. J’aurais tendance à dire qu’un nom se mérite mais les choses ne fonctionnent pas de la sorte avec Abigaël, alors elle n’a qu’à se contenter d’être la sœur des Rice plutôt que la fameuse Abigaël Rice en personne. Je me positionne à côté de ma sœur, observe tous ces invités qui attendent que nous prenions une décision les concernant.

- Regarde-les... La seule chose qu’ils mériteraient est que nous jouions avec.

Et lorsque je parle de jouer, je ne veux bien évidemment pas dire de manière sexuelle, comme en avait l’intention Abigaël dans cette autre pièce, ils ne méritent pas autant d’attention. Tu évoquais ma fameuse réputation Abigaël mais tu ne m’as encore jamais vu à l’œuvre. Je ne t’ai jamais vu tuer non plus. Peut-être que trouver un terrain d’entente permettrait de calmer un peu les ardeurs entre nous.

- Alors Abigaël, qu’attends pour prouver à quel point ton frère a tort ? Je t’ai demandé de m’impressionner.

Défoule-toi sur eux ma sœur, à moins que tu ne me détestes au point de préférer te défouler sur moi, je serais curieux de voir cela, je préférerais tout de même que ce soit à eux que tu t’en prennes. Les mots restent plus faciles à pardonner Abigaël, les actions beaucoup moins. Hayden sait bien de quoi je parle.

La fête n'est jamais finie

Porter le nom Rice ne lui donne pas tous les droits ? La petite dernière sourit à cette recommandation de la part de son aîné. Ce nom, au contraire, il lui donne tous les droits. Que ce soit clair, il n’a pas déposé de brevet sur leur nom de famille alors il appartient à Abigaël autant qu’aux aînés. Les temps ont changé après tout. C’est dangereux de mettre en garde Abigaël de cette manière parce qu’au lieu d’entendre une menace, ce qu’elle entend c’est : décrédibiliser le nom Rice est bien plus irritant pour Ethan que de jeter son dévolu sur le premier abruti venu. Il devrait savoir pourtant qu’Abigaël peut se montrer particulièrement chiante, immature et caractérielle quand quelque chose ne lui convient. Des traits de caractères qui la poussent à seulement vouloir ennuyer pour le plaisir ou la vengeance. Ethan ne fait que lui donner des armes supplémentaires quand elle aura besoin de se faire entendre.  « Déplorable ? Vraiment. » Elle marque un faux air étonné avant de faire mine de réfléchir. « Je suis perdue, on parle encore de moi ou de tes propres choix ? » Non mais autant le savoir tout de suite. Parce qu’il espère faire croire à qui qu’il a épargné une sorcière par bonté ? ça cache forcément quelque chose, surtout vu le temps qu’il passe avec cette Johnson. Autant dire qu’elle trouve déconnée qu’il vienne ici seulement pour lui reprocher les choix qu’elle peut faire. De toute façon ça ne lui convient jamais, ni à lui, ni à Hayden. Déjà humaine, ils avaient toujours quelque chose à redire et elle commence à en avoir marre qu’on continue de la voir comme une enfant. Elle n’en ait plus une depuis longtemps. Elle ne l’était déjà plus au moment de voir Ethan pendre au bout d’une corde.

Abigaël a envie de hurler une frustration et une injustice ressentie, avec l’impression qu’on ne lui laisse pas sa chance. Et que, même si on la lui laissait, ça ne serait pas assez bien. Eux pensent protection mais elle, elle pense surtout qu’on ne la trouve pas à la hauteur ou pas digne de confiance. Quand elle veut bien faire, ça ne va pas. Quand elle fait des crises, c’est une enfant. Il n’y a jamais de bonnes solutions avec ses frères. Peut-être qu’elle aurait dû faire comme eux, s’adapter à un autre monde qui ne l’intéressait pas à la base. Peut-être qu’elle aurait mieux dû apprendre les enseignements qu’elle fuyait en tant qu’humaine. Oui, peut-être que comme ça, elle pourrait aussi faire partie de ce cercle très privé qu’il existe entre Ethan et Hayden. Mais faire tout cela aurait été se renier, est-ce que c’est ce qu’ils voulaient pour elle ? Qu’elle ne soit plus la même ? Abi aurait seulement aimé être acceptée pour ce qu’elle est mais non, ça ne va jamais à l’image de cette soirée qui déplait à Ethan. A l’image de tous les choix qu’elle semble faire.

Ethan s’approche et elle roule des yeux. Pour le principe, pour l’énerver, pour faire comme si elle s’en fichait. Ce qui n’est pas le cas des quelques cœurs battants présents dans la pièce. Eux, ils s’affolent alors que les regards se font inquiets et interrogateurs. Personne ne veut intervenir, personne n’ose bouger de peur de se faire remarquer. Faut bien avouer que ça a quelque chose de grisant. C’est à ses côtés que son frère se stoppe avec un regard sur ces gens. Abigaël à l’impression de se retrouver face à une colonie de lapin qui, pris dans les faisceaux des phares d’une voiture, ne savent plus quoi faire. Heureusement que, pour la plupart, respirer ne soit pas une obligation sinon ils seraient probablement morts d’asphyxie sans avoir à les toucher. Elle est même persuadée que si, soudainement, elle faisait un pas en avant en criant, ils auraient tous un sursaut. Ridicule. Et c’est elle qu’Ethan désigne comme pitoyable ? Il n’a pas l’air d’apporter plus de crédit à ces gens pour autant. Des jouets, voilà ce qu’ils sont selon ses dires. Ethan veut qu’Abi l’impressionne et elle soupire. C’est qu’elle ne trouve pas de grand intérêt à faire un massacre quand personne ne se bat pour sa vie. Alors c’est sur les gens présents qu’elle balaie son regard. « Vous allez mourir. » Il y a les malins qui commencent à avoir un regard terrorisé et les naïfs qui doivent penser que c’est une blague de mauvais goût. « Mais étant donné que mon cher frère émet pas mal de doute à mon sujet, peut-être que dans la cohue j’en oublierais un ou deux qui pourront s’échapper. » Elle affiche son sourire le plus radieux en se tenant bien droite avant de prendre le ton de la confidence. « Mais pour ça, il va falloir commencer à vous bouger. »

Une seconde de flottement et aucune réaction. Ce n’est pas d’elle dont on a peur. Très bien. La seconde qui suit, Abigaël s’est déjà bougée à vitesse vampirique pour décrocher le tableau désigné par Ethan un peu plus tôt. Tableau qui, dans la seconde suivante, se retrouve à traverse de part en part le torse d’un humain présent. Abigaël se recule d’un pas, penche la tête pour regarder les pans du tableau visibles, ceux qui se couvrent de sang et d’entrailles. Au moins, maintenant, ce tableau est un original et plus authentique. Elle secoue la tête et reporte son attention sur les autres. Et là, enfin, ça bouge. Certains veulent fuir, d’autres veulent défendre leur vie. Et là, elle trouve que c’est bien plus intéressant. C’est à la porte de sortie qu’elle intercepte un invité qui voulait fuir. Ça fait automatiquement stopper les deux qui le suivaient. Les doigts fins d’Abigaël se serre sur une gorge qu’elle porte à bout de bras alors que l’homme change de couleur par manque d’air. Il agite les pieds jusqu’à ce qu’un craquement se fasse entendre et qu’il ne bouge plus du tout. Le corps est balancé contre un groupe se dirigeant vers une autre sortie. Et elle a déjà le cœur d’une autre personne dans les mains, d’une vampire pour être exacte. Cœur qu’elle balance dans les mains d’une autre invitée qui le rattrape par réflexe avant de se mettre à hurler et… Bah… Elle vient vraiment de s’évanouir là ? Pauvre petite chose. C’est décevant, un peu comme si on venait de casser un nouveau jouet reçu en cadeau. Vexée, c’est le corps d’un autre invité qu’elle brise sans pour autant le couper en deux. Et, en prenant appuie sur quelqu’un au sol, C’est au lustre qu’elle accroche le corps avant d’entailler des veines. Ce n’est pas du vrai cristal mais elle trouve que le sang qui s’écoule sur ce lustre donne quand même un effet sympa.

La fête est finie

Il faut savoir une chose, quand on croit que sa petite sœur est décédée depuis quatre-vingt-dix ans et qu’elle revient soudainement dans votre vie comme par miracle, il est difficile de savoir comment se comporter. J’ai dû faire le deuil d’Abigaël et tourner la page, aujourd’hui je dois retrouver un lien avec elle, sauf qu’après tout ce temps chacun a évolué, chacun a changé, grandi. Il n’empêche que mon réflexe sera forcément de la traiter de la même façon que je la traitais lorsque nous étions encore humain, parce que notre lien n’a pas eu le temps d’évoluer après cela et que je ne sais pas forcément de quelle autre manière me comporter avec elle. Alors je la surveille, la surprotège peut-être et gâche ses plans de la soirée sans regret. Si mon comportement vis-à-vis d’Abigaël n’a pas beaucoup changé, c’est peut-être parce que son propre comportement est resté assez similaire à celui de l’humaine qu’elle était. Je roule des yeux face à la fausse question d’Abigaël, mais il en faudra plus pour me mettre à bout. Quand on s’entraîne jour après jour à supporter les provocations d’Hannah Johnson, celles des autres paraissent limite trop simples à côté, y compris celles d’Abigaël. Ma sœur me reproche visiblement certains choix mais il me semble qu’elle n’a pas vraiment son mot à dire quant à mes décisions, déjà parce que je suis l’aîné mais aussi parce que c’est elle qui est venue me rejoindre dans cette ville, pas l’inverse, alors c’est à elle de s’adapter à mes choix, encore une fois pas l’inverse.

- Ne fais pas l’enfant Abigaël, ou autrement ne t’attends pas à ce que je te traite en adulte.

Et ce serait dommage parce que j’ai réellement envie que notre lien évolue ma sœur, j’ai envie que nous cessions de nous chamailler un peu pour penser à l’avenir, pour penser à de grandes choses. Tu n’es pas venue là juste par nostalgie, non ? Tu n’es pas non plus revenue là uniquement pour t’amuser, alors dis-moi Abigaël, pour quelle raison es-tu ici ? La réponse tient en deux mots : la famille. Et notre famille pourrait faire de grandes choses, à condition de rester soudé. Il paraît que le crime rapproche, nous allons tester cette théorie petite sœur. Nous avons déjà notre terrain de jeu et tout un tas de pions prêts à être sacrifier, alors à toi l’honneur Abigaël, montre-moi ce que tu as dans le ventre. Montre-moi que tu n’as pas besoin d’être protégée comme la petite fille d’autrefois.  

- Vous allez mourir.

Ces mots quittent les lèvres d’Abigaël et j’affiche un sourire satisfait. J’ignore si ma sœur compte effectivement en laisser un ou deux s’échapper juste pour me provoquer ou si elle prononce ces mots uniquement dans le but de créer un mouvement de foule, mais si Abigaël est capable d’en laisser s’échapper, ce ne sera pas mon cas. Alors que la fête commence. Abigaël fait sonner le glas lorsqu’elle arrache la première vie et quelle charmante façon de le faire. Mon sourire ne fait que s’agrandir un peu plus et plus Abigaël fera preuve de cruauté, plus elle me convaincra qu’elle s’en sort très bien toute seule. Cela ne veut pas dire que je ne la surveillerai pas, mais disons qu’elle aura droit à un peu plus de liberté de ma part. J’observe les uns et les autres courir, arrêtant ceux sur le point de se trouver une échappatoire mais je ne les tue pas, je me contente de les assommer pour l’instant.

- Personne ne sortira de cet endroit, mais vous pouvez jouer à cache-cache pendant que je profite du spectacle que m’offre ma sœur, en revanche ne m’en faites pas louper une miette où je pourrais être très en colère.

Ces mots sont adressés aux quelques humains et vampires qui me font face, espérant pouvoir atteindre la sortie dans mon dos. Finalement ils abandonnent et courent se cacher dans d’autres pièces, même les vampires ont peur. Pitoyables. Je reporte mon regard sur ma sœur tout en m’approchant, la voyant faire, si magnifique. Les Rice ont tous un côté artiste en eux et ma sœur est le chef d’orchestre de cette symphonie. Les hurlements résonnent, les corps tombent et les gouttent de sang offrent ce petit son si faible et pourtant parfaitement adapté à la mélodie. Mais Abigaël n’est pas juste chef d’orchestre, elle est aussi le metteur en scène de cette pièce et semble très attachée à la décoration des lieux. Je passe sous le lustre ensanglanté et rejoins ma sœur alors que les autres semblent tous avoir trouvé leur cachette.

- Là je reconnais mieux ma sœur. Joueuse. Sauvage. Téméraire. Inventive. Je lui tourne autour en prononçant ces mots un par un, m’arrêtant dans son dos pour finalement venir me pencher à son oreille et lui murmurer ces derniers mots. A mon tour maintenant de te montrer qui je suis. Ce massacre, c’est un peu comme une manière de faire connaissance à nouveau mais en tant que vampires cette fois, deux êtres sanguinaires que personne n’arrêtera.

Je quitte ma place pour sortir de son trou une pauvre vampire qui se cachait, les larmes aux yeux. Ce n’est pas sa respiration qui l’a trahi mais ses pleurnichements. Elle est jeune j’en suis sûr, sans doute n’a-t-elle pas encore fêté ses dix ans d’immortalité, la pauvre ne les fêtera jamais. Ma main caresse sa joue dans un sourire sadique. Que vais-je bien pouvoir faire de toi ? Elle renifle et me demande de la laisser partir, je n’attends pas plus avant de m’emparer du porte manteau en bois juste à côté et de le briser pour enfoncer un morceau dans sa main qui se retrouve plantée contre le mur avant que ce ne soit le tour de son autre main, la crucifiant presque, il me manque encore les pieds mais c’est là qu’elle se met à hurler le prénom d’un homme. Homme qui a le courage de sortir de sa cachette pour tenter de la sauver, je peux au moins lui reconnaître sa bravoure, quoi qu’il s’agirait plutôt de stupidité étant donné qu’il est humain. De mieux en mieux.

L’homme court jusqu’à elle et j’attrape le reste du porte manteau telle une lance, attends qu’il soit à sa hauteur avant de viser puis tirer. Le long morceau de bois traverse le cœur de l’humain et le poumon de la vampire. Lui perd la vie sur le coup alors qu’elle crache du sang et continue de pleurer. Je m’approche du couple embroché et les observe de plus près, venant attraper la main de l’homme dans la mienne. Et c’est ainsi que Roméo se sacrifia pour rejoindre Juliette qui, incapable d’aimer la vie sans son amant, décida de mourir elle aussi. Et je me sers de la main de l’humain tel le poignard de Roméo, venant percer sa cage thoracique pour attraper son cœur et le lui arracher. Le dernier soupire est poussé et les deux corps continuent de tenir debout, immortalisés dans cette œuvre dramatique. Je me tourne vers Abigaël qui a observé la scène et m’approche d’elle. Allons trouver les autres.

La fête n'est jamais finie

Tenez-vous droite Mademoiselle Rice… Non, arrêtez de bouger… Le menton plus haut… Humaine, on lui disait déjà comment se comporter et se tenir, ce qu’il ne fallait pas faire et les bonnes manières à mettre en œuvre. Humaine, déjà, Abigaël faisait l’inverse de ce qu’on lui demandait. Par défiance, par jeux ou pour tester les limites et la patience des autres. Elle n’en a pas moins écouté les conseils prodigués, c’est seulement qu’elle ne les appliquait pas quand on essayait de les lui apprendre. Ne fais pas l’enfant Abigaël. Elle a l’impression de revenir cent ans en arrière quand tout le monde se sentait obligé de la reprendre pour tout. C’est vexant. Ça l’est d’autant plus qu’Ethan avait plutôt été de son côté quand elle était cette enfant, c’est dans sa chambre qu’elle allait se cacher quand la nourrice lui courait après. C’est lui qui couvrait ses sorties nocturnes quand elle était un peu plus âgée. Quand les choses ont changé ? Depuis quand Ethan prend le rôle de cette nourrice qui veut lui apprendre les bonnes manières en délaissant le rôle de celui qui couvrait ses faits et gestes ? La première envie d’Abigaël est celle de frapper du pied et de faire exactement l’inverse de ce qu’il lui demande. Toujours cette défiance et ce besoin de tester les limites d’une patience. Sauf qu’il n’est pas ces nourrices qui ont tenté d’apprendre des choses à Abi, il est son frère. La vampire retient son envie, informe les gens de leur sort. Elle ne compte pas en laisser un s’enfuir mais l’espoir rend les gens plus audacieux, plus téméraires. Ça n’en sera que plus intéressant.

Elle commence, arrache une première vie et en oublie Ethan. Elle se perd dans une envie de massacre, portée par des sons de cœurs battants la chamade. Abigaël a toujours aimé ce son particulier, celui de plusieurs cœurs qu’on pourrait croire désordonnés. Pourtant, quand on se concentre bien, il y a toujours un rythme qui revient et qui s’installe. Une symphonie dont les cœurs forment un rythme, ou les cris donnent un son et les mouvements de mobiliers offrent un peu plus de profondeur. Abi a oublié son frère parce que ce n’est pas à lui qu’elle cherche à plaire à cet instant, elle a envie, besoin, que cette musique soit parfaite. Que le décor le soit aussi. Le cas des Rice pourrait presque être intéressant quand on y pense. En tout cas, il porte à croire que certaines choses peuvent être génétiques sauf si, quand ils étaient humains, on les a éduqués à être des sortes de psychopathes. Si on les a élevés pour paraître bien en société, de mémoire, jamais sa nourrice ou ses parents, n’ont dit à Abi d’être tout aussi appliquée en tuant des gens. On ne lui a même pas demandé d’y prendre plaisir. Elle pourrait se contenter de mordre dans des cous, se satisfaire de se nourrir sur des humains… Mais non. Abigaël se doit de rendre les choses parfaites. En tout cas, à ses yeux.

Elle s’arrête un instant, regarde autour d’elle et lève les yeux sur le lustre. Un sourire se dessine sur ses lèvres et, alors qu’elle réfléchit à la suite, c’est Ethan qui vient la rejoindre. C’est par fierté mal placée qu’elle ne sourit pas davantage quand il évoque certains traits de caractère qui lui connaissait de son vivant. En revanche, c’est quand il vient lui glisser à l’oreille que c’est à son tour de se présenter, qu’elle sourit davantage. Des histoires, elle en a entendu qu’elle lui courrait après mais qu’elle arrivait toujours trop tard pour le retrouver. Cette fois, elle va pouvoir voir de ses propres yeux alors Abigaël hoche même la tête, curieuse et impatiente de voir cela. Et c’est sous le cliquetis du sang qui s’échappe du lustre qu’elle le voit presque crucifier cette femme au mur, que son amant vient se faire embrocher proche d’elle et que les deux meurent alors qu’Ethan parle de Roméo et Juliette.

Ethan parle bien plus quand il tue que quand il prend la parole. Il y a toujours une symbolique derrière ses peintures, sa musique et maintenant, dans sa façon de mettre en scène la mort des gens. Il aurait été tellement facile de l’ouvrir, de lui demander quel amour contrarié il est en train de de vivre pour en venir à une telle mise à mort. Mais étrangement, elle n’a pas envie de le provoquer. A bien y réfléchir, elle aime bien ce moment passé avec lui, même si ce n’était pas du tout ces plans de base. L’imprévu, c’est bien aussi.

« Dommage que les humains ne soient pas un grand challenge quand il s’agit de les trouver. » C’est qu’ils en foutent du bordel avec leurs petits cœurs qui s’agitent et leurs respirations qui s’accélèrent. La nourrice d’Abigaël était peut-être une vampire, ça expliquerait pourquoi elle arrivait toujours à savoir où Abi se cachait quand elle voulait lui échapper. Emettre l’hypothèse qu’Abi était nulle pour se cacher n’est pas envisageable. « Allons-y, je crois que je commence à me lasser de cet endroit. » Il est bien mieux qu’à son arrivée. Ethan et elle ont bien refait la décoration mais Abi à ce gros défaut, celui de se lasser de tout et de façon très rapide. Abi s’avance, sautille presque en sifflotant sur ce rythme qu’elle entend. Son bras se tend sous un meuble pour en sortir un humain qu’elle envoie voler dans la pièce en direction d’Ethan. S’ils ont fait des choses chacun leur tour, peut-être que maintenant, ils peuvent œuvrer ensemble. De toute façon, il ne reste plus grand-monde à tuer. Alors il y a des corps qui sont envoyés à l’un ou à l’autre, des cœurs qui se font arracher, des têtes qui sont séparés de leurs corps et des nuques brisées après avoir mordu dedans.

Et c’est intéressant parce que, même dans cette manière assez simple et basique de tuer, quand Abigaël regarde l’ensemble de la pièce… Elle se rend compte que tous ces corps, ou bouts de corps, sont dispersés d’une certaine manière. Tout est fait de manière à mettre l’œuvre d’Ethan en lumière. « C’est bien mieux qu’un faux Picasso. » Elle hausse les épaules parce que, en même temps, ce n’est pas bien compliqué de faire pire. « Ethan ? » Elle porte son regard sur son frère, commençant à réfléchir à certaines choses. « On est dans le nord. Ça ne risque pas de te créer des problèmes ? » Parce que le but n’est pas de créer des tensions entre lui et Alex. Elle ne sait pas grand-chose de ces histoires de pouvoirs et encore moins les règles qui sont à appliquer sur le territoire de Blackwood. Mais, comme Ethan y est lié, autant savoir maintenant si elle peut laisser les choses en état ou s’il convient de faire quelques aménagements pour masquer ce carnage.

La fête est finie

Qui a dit que le meurtre ne rapproche pas ? Peut-être que dans une famille lambda le fait qu’il y ait un meurtrier parmi eux aurait tendance à les éloigner, sauf que nous ne sommes pas n’importe quelle famille et nous sommes tous des assassins désormais. Alors autant commettre ce massacre ensemble, trop de choses nous ont éloigné en quatre-vingt-dix ans mais d’autres choses peuvent nous permettre de nous rapprocher à nouveau, de refonder une famille. Je pourrais même te dire une chose Abigaël, tu es la première de la famille avec qui je commets un massacre, et oui tu es même passée avant Hayden, toi qui doute de nos liens tu devrais comprendre qu’il n’y a jamais eu d’histoire de préférence entre nous, cela a toujours été une question de circonstances. Ce soir nous ressoudons nos liens Abigaël, alors ne t’avises pas de dévaloriser tout cela par la suite.

Si un tel carnage reste intéressant à réaliser, Abigaël semble déjà se lasser mais à vrai dire je me doutais bien que cela arriverait, déjà humaine Abi avait tendance à être ennuyée de tout très vite et il y a certaines choses qui ne changent pas, même après une transformation. Finissons-en dans ce cas. Car il est toujours hors de question d’en laisser certains repartir en vie, je ne peux pas prendre un tel risque alors que nous nous trouvons dans le nord de Londres. Ainsi humains comme vampires sont trouvés les uns derrière les autres, envoyés à un Rice pour se faire réceptionner par l’autre Rice avant de les éliminer. Certains vampires essaient tant bien que mal de nous résister mais ils ne sont pas assez vieux, pas assez hargneux et trop peureux de se mettre un Rice à dos et donc par extension le roi lui-même. Sauf qu’Alex ne doit pas savoir ce qu’il s’est passé ici, ou du moins s’il le sait, il doit aussi être au courant que rien ne remontera à moi et donc à lui, je sais prendre mes précautions lorsque la situation dérape.

Bientôt il ne reste plus aucun corps, bientôt il ne reste plus qu’Abigaël et moi encore debout au beau milieu de ce massacre, une magnifique œuvre grandeur nature signée Rice. Sauf qu’elle ne pourra pas rester signée pour les raisons qu’Abigaël soulèvent justement. Côte à côte, nous admirons notre travail dans un sourire satisfait. Personne ne saura que nous étions présents ce soir. Ce sera notre secret, petite sœur. Et je sais qu’Abigaël ne cherchera pas à me mettre en porte-à-faux en criant sur les toits que ce carnage signé d’un autre nom est en réalité le nôtre. En parlant d’un autre nom, quelqu’un vient justement sonner à la porte d’entrée. Pile à l’heure. Je vois bien le regard d’Abigaël se froncer, curieuse à l’idée de savoir qui cela peut bien être, peut-être aussi curieuse de savoir comment tout peut être aussi bien chronométrée mais je n’aime pas perdre mon temps inutilement. J’ouvre la porte et quelques-uns de mes Oisillons entrent munis d’explosifs qu’ils viennent déposer ci et là dans la villa.

- Ce carnage sera signé de la main de Declan Finnigan, un fratre porté disparu, ce sont ses explosifs que j’ai récupéré. Pourquoi un Finnigan ? Justement à cause du nom. Les tentatives de meurtre concernant Hannah parce qu’elle porterait le nom Finnigan se sont arrêtées et je veux comprendre pourquoi. Est-ce seulement elle qu’on a décidé d’épargner ou est-ce que cette vengeance s’est tout simplement arrêtée là ? Le fait que Declan ait disparu, que personne ne sait ce qui lui est arrivé et que tout à coup on le croit responsable d’un nouveau carnage attirera forcément l’attention. Je veux justement savoir l’attention de qui. Sans compter que Declan est toujours un fratre aux dernières nouvelles donc si par extension cela peut toucher Freya, je ne m’en priverai pas. On ferait mieux de sortir d’ici. Je pousse Abigaël à me suivre dehors, nous éloignant suffisamment pour pouvoir garder un œil sur la villa sans risquer d’être atteint par une explosion accidentelle.

- Je l’ai peut-être mal exprimé mais je suis sincèrement heureux de vous retrouver Hayden et toi, j’aurais même apprécié que ces retrouvailles se fassent plus tôt. Je ne tourne pas mon regard vers Abigaël en prononçant ces mots, pas besoin de la regarder droit dans les yeux pour savoir que je suis sincère. Je préfère garder une partie de mon attention concentrée sur mes Oisillons qui terminent d’installer les préparatifs. Je sais aussi que tu m’en veux pour certaines choses, des choses que je ne peux toujours pas t’expliquer aujourd’hui et peut-être bien que je ne le pourrais jamais. Car cela reviendrait à trahir Hayden et je ne le ferais pas pour satisfaire la curiosité d’Abigaël. Mais tu es ma famille Abigaël et même si tu en doutes parfois, les Rice passeront toujours en premier pour moi. Même si j’ai d’autres activités, un clan et une sorcière qui me réclament beaucoup de temps, malgré tout Abigaël ne doit pas douter qu’elle pourra toujours compter sur son frère, peu importe de quoi il s’agit. Je retrouve le silence lorsque mes Oisillons quittent la villa et que l’un d’entre eux se rapproche de nous, plaçant le détonateur entre mes mains. C’est finalement à Abigaël que je tends l’appareil. Tu as toujours aimé les feux d’artifices il me semble alors à toi l’honneur.

La fête n'est jamais finie

Ethan garde ce côté surprenant, parfois même irritant. Il sait tout, avant tout le monde. C’est quelque peu agaçant bien que, en réalité, elle admire cette capacité qu’il peut avoir. Il dit que personne ne saura qu’ils étaient présents et, forcément, c’est à ce moment-là que des gens arrivent pour placer des explosifs. Elle fronce les sourcils, cherche encore à comprendre si elle est à ce point-là prévisible pour qu’il sache comment les choses allaient finir et quand elles allaient se finir. Le timing est parfait. Il l’est toujours et Abigaël ne sait toujours pas comment il fait. « Je te suis. » Qu’elle lance distraitement en regardant les autres s’agiter dans tous les sens pour mettre les explosifs. Finnigan. Encore un nom qu’elle entend pour la première fois et, si elle comprend que c’est un Frates, elle ne voit pas ce qu’il vient faire dans l’histoire.

Les deux Rice sont dehors, à une distance raisonnable pour ne pas être atteint par une explosion. C’est Abigaël qui ouvre la bouche pour avoir des explications mais elle est prise de court par Ethan qui se lance le premier. C’est un semblant d’explication qu’il lui donne, quelque chose d’assez vague sur le fait qu’il ne peut pas lui expliquer certaines choses. Et c’est bien ça qui vexe Abigaël. Ethan et Hayden ne semblent pas avoir de secret – point sur lequel elle se trompe pourtant – mais, à elle, on ne peut rien dire. C’est comme cette histoire de retrouvailles, elles auraient pu se passer plus tôt si Ethan avait cherché à savoir ce qu’était devenu le reste de la famille. Après tout, c’est lui qui a toujours une longueur d’avance. Mais non, il faut croire que savoir Hayden en vie était bien assez suffisant. Du moins, c’est de cette façon qu’Abigaël voit les choses. Il lui manque bien trop de données pour que son avis soit objectif. « Alors, peut-être que bien je pourrais continuer à t’en vouloir. » Après tout, s’il estime qu’il ne pourrait peut-être jamais lui parler de certaines choses, il n’y a pas de raison pour qu’elle change d’avis. Abigaël reste une petite princesse qui a besoin d’avoir l’impression d’être le centre de l’attention. Et ce n’est clairement pas le cas avec Ethan. Il y a surtout Hayden, puis cette sorcière et ses activités pour le clan. Elle a beau l’entendre dire que la famille passe en premier, Abigaël ne peut s’empêcher d’en être septique.

« Mais, pas ce soir. » c’est son regard qu’elle reporte sur Ethan en récupérant le détonateur. Là, on va dire qu’elle n’a pas envie de se battre ou de lui faire une crise de jalousie. La soirée ne s’est pas passée comme elle l’avait prévue mais Abigaël ne peut pas dire qu’elle a été désagréable pour autant. Alors il est préférable de rester sur cette impression pour le moment. C’est le bouton qu’elle regarde pour mettre son pouce dessus. « Je peux au moins savoir qui est ce Finnigan ? Enfin, surtout pourquoi tu veux qu’on pense que ce soit lui le coupable ? » Ethan ne fait rien sans raison, il fait tout dans un but précis. Il voit loin. Bien plus loin qu’elle qui ne sait pas pourquoi c’est ce Finnigan qu’il faut accuser du massacre qui s’est passé dans cette villa. Le pire dans tout cela c’est qu’elle se fiche un peu de la réponse, ce qu’elle se demande c’est seulement s’il va répondre.

Ce qui est certain c’est que cela ne changera rien à la finalité de cette maison et aux corps qui se trouvent à l’intérieur. Ce qui est ironique dans cette histoire c’est que ni Abi, ni Ethan, ne savent qu’en appuyant sur ce bouton c’est Hayden qui risque de ne pas trouver cette mise en scène à son goût. Comme quoi les secrets sont plutôt nocifs dans cette famille. C’est donc pas envie et pas ignorance de ce que cela peut engendrer qu’Abigaël finit par appuyer sur le détonateur. C’est tout un quartier qui doit se demander ce qui se passe, sans parler des gens endormis qui viennent probablement de se réveiller en sursaut. L’ouïe fine d’Abigaël lui permet d’entendre tous ces cris paniqués et étouffés par la distance. C’est sûrement ce qui la fait le plus sourire, en plus de cette vague de chaleur qui arrive jusqu’à eux malgré la distance. A défaut d’avoir accès au soleil, autant profiter de la luminosité furtive d’une explosion. On fait avec les moyens du bord.

Elle regarde encore un instant cette maison qui continue de dégager une certaine lumière à cause de l’incendie qui en résulte. Le détonateur termine dans sa poche quand, enfin, elle laisse passer un soupir d’aise. Oui, cette soirée n’est pas si mal finalement. Alors c’est un sourire qui étire ses lèvres lorsqu’elle décide de rompre le silence en s’adressant à Ethan. « Alors, grand frère, tu ne m’as pas dit. » Le ton est amusé. « Comment cela se passe avec Verdi ? » Le but de ce pari était surtout de l’ennuyer un peu, ça serait presque décevant que ça se passe bien. Ou peut-être pas. En vrai, Abigaël n’en sait rien.

La fête est finie

Abigaël et moi ne tardons pas à nous retrouver dehors, hors de portée de ces explosifs parce que soyons clair, jamais je ne mettrais la vie de ma sœur en danger, ni d’aucun autre membre de ma famille d’ailleurs même si celle-ci ne se limite plus qu’à Hayden et Abigaël aujourd’hui. Nous ne sommes peut-être plus que trois, mais nous restons les trois plus proches de la famille Rice alors c’est une bonne chose en soit, reste encore à faire en sorte que nos liens restent aussi soudés qu’avant car les choses ont considérablement évoluées depuis nos transformations respectives. Abigaël m’en veut à raison et je compte bien lui faire savoir que je le sais, que je l’ai remarqué et qu’elle n’a peut-être pas tort de m’en vouloir, sauf que ce n’est pour autant que je pourrais lui révéler certains secrets, alors Abigaël devra apprendre à faire avec car je ne trahirais pas Hayden en montant notre propre sœur contre lui.

- J’y survirai.

C’est un clin d’œil que j’adresse à Abigaël et tant pis si cela ne lui plaît, les choses n’en seront pas autrement alors oui, je continuerai d’accepter la colère et la déception de ma sœur à mon encontre pour préserver le secret, cela ne m’empêchera pas de faire en sorte d’améliorer notre relation, à commencer par un beau feu de joie ensemble. Le détonateur finit dans les mains d’Abigaël qui cherche à comprendre pourquoi est-ce cette explosion doit se faire au nom de ce Finnigan précisément. Je pourrais choisir de ne pas lui répondre, après tout c’est une affaire qui ne la concerne en rien, sauf que ce n’est pas non plus une affaire que je tiens particulièrement à garder secrète alors autant éviter de creuser davantage le trou qui se trouve entre ma sœur et moi.

- Declan Finnigan n’est personne, mais je connais quelqu’un d’autre qui partage ce nom, ce qui met justement cette personne en danger puisque ce sont tous les Finnigan qui se font décimer. Alors je cherche à savoir qui leur en veut autant et si par la même occasion je peux énerver quelques fratres, alors autant faire d’une pierre deux coups.

J’ai été honnête envers Abigaël, j’omets seulement volontairement de lui dire que la personne en question qui se trouve en danger s’avère être Hannah et puisque peu de personnes savent que c’est une Finnigan, elle ne devrait donc pas faire le rapprochement. Maintenant que la réponse a été donnée, il est temps de faire place aux festivités. Abigaël se décide à appuyer sur le détonateur et nous pouvons assister au beau spectacle de cette explosion, si éphémère, mais cela ne retire rien à la beauté du spectacle. Si Declan n’est effectivement personne à mes yeux, je veux bien reconnaître que ses engins ont été agréables à utiliser et Abigaël semble tout autant en apprécier la sensation. Dommage que ce ne soit pas le repère des fratres que nous fassions exploser de la sorte…

Le silence règne un moment entre nous, profitant tous deux de la vue et de la crainte des habitants londoniens qui se sont éveillés sous le son et le tremblement de l’explosion. Autant dire que le quartier risque d’être évacué sous peu. Je crois que j’aurais préféré profiter du sourire de ma sœur plus longtemps plutôt que d’évoquer le sujet Milla avec elle, mais si Abigaël cherche à m’ennuyer alors autant retourner son propre jeu contre elle. Je suppose qu’elle ne sait rien concernant l’avancée de nos séances si ce n’est qu’elles se font bel et bien et que je n’ai donc pas encore abandonné le pari.

- Cela se passe assez bien pour m’assurer que tu n’auras désormais plus le droit de jeter ton dévolu sur mes Infants. Et ainsi m’assurer un peu de répit, car tout surveiller peu vite devenir à la fois fatiguant et lassant alors autant me débarrasser de ce fardeau. Plus que deux séances, autant dire que si j’avais dû abandonner ce serait déjà fait. Sauf que les Rice n’abandonnent jamais et je ne compte pas être celui qui dérogera à la règle. Bien sûr je ne compte pas en révéler davantage à Abigaël, j’en révèle déjà bien assez à Milla sans avoir à exposer les mêmes propos à ma sœur. Il est aisé de faire oublier ces informations de l’esprit de Milla, je ne pourrais pas en faire de même avec l’esprit d’Abigaël. Tu as l’air déçue petite sœur, ne me dis pas que tu t’attendais à l’emporter contre moi. Je terminerai bien ma phrase par un "je gagne toujours", mais autant ne pas narguer Abigaël davantage, il n’est jamais bon de la voir s’emporter.